Aujourd’hui, suite à mon article récent consacré à la revue du livre de Jean Monbourquette « A chacun sa mission », j’ai le plaisir d’accueillir Mélodie Maurice. C’est non seulement elle qui m’a parlé pour la première fois de ce livre, mais elle est aussi une magnifique illustration de la beauté et de la puissance qui résultent de la décision d’embrasser sa mission personnelle. En deux ans, elle est passée d’un CDI alimentaire, où elle se morfondait, au développement de son activité artistique et au rachat récent d’une école d’art.
Je suis sûre que vous avez hâte de connaître son parcours ! Voici le résumé de son interview pour Job de Cœur:
Bonjour Mélodie, pour commencer, comment définirais-tu ta mission de vie ?
Je dirais que c’est : « Créer des moments de qualité par l’art pour soigner l’âme. »
En dehors de mon propre travail créatif, cela se décline en direction des autres de plusieurs manières:
- Tout simplement faire du bien
- Répondre à un besoin
- Susciter des actions engageantes
- Encourager
- Ressourcer
- Redonner confiance.
Comment se décline ta mission de vie concrètement?
Depuis 2020, j’exerce mon activité à partir du compte Instagram et du site « Un colibri à Paris ». Je vends des cartes et des calendriers à partir de mes créations, j’organise des ateliers d’aquarelle et je réalise des expositions de mon travail.
Depuis septembre 2024, je suis en plus la propriétaire et dirigeante de « La Petite Académie » à Versailles, une école d’art franchisée qui organise des ateliers artistiques pour les enfants comme pour les adultes, ainsi que des événements pour les entreprises.
Pour mieux comprendre ton parcours, quelles études as-tu faites?
J’ai beaucoup tâtonné dans mes études. J’étais très bonne en biologie mais aussi dans les matières littéraires. J’étais très curieuse et j’avais mille questions. Je voulais être tantôt médecin humanitaire, tantôt exploratrice, journaliste, missionnaire…
J’ai commencé par faire un an et demi de médecine, mais je me sentais dépérir. La charge de travail était énorme et je trouvais les matières dures, froides. J’ai dû arrêter la harpe que je pratiquais depuis ma petite enfance, ainsi que le sport, le dessin ou la peinture qui étaient des loisirs importants. Malgré tous mes sacrifices, les résultats n’étaient pas au rendez-vous et mon moral était au plus bas, surtout la seconde « première année ». J’ai tenté ensuite plusieurs concours d’orthophoniste, du fait de mon appétence pour la linguistique, mais j’ai raté un des concours de très peu. Avec le recul, je me suis rendue compte que j’avais mal vécu les taquineries de certains proches qui me qualifiaient « d’artiste » de manière un peu ironique, voire péjorative. Je ne me sentais pas prise au sérieux. J’avais donc refusé cet aspect « artiste » de moi et voulu gagner leur respect en faisant des études scientifiques.
Après trois ans sans finalement aucun diplôme au bout, j’ai fait une formation en trois ans de Sciences du langage spécialité communication, que j’ai beaucoup aimée, et j’ai aussi fait des expériences de stages ou de professorat intéressantes. Je me suis rendue compte que j’aimais bien le contact avec les jeunes (j’ai aussi passé le BAFA). J’ai vu qu’en revanche je n’étais pas faite pour des postes sédentaires, sans beaucoup de relationnel.
Comment es-tu revenue à ton côté artiste?
En 2020, je me suis mariée, et mon mari devait suivre une formation professionnelle qui impliquait une mutation géographique. Nous avons donc passé 6 mois dans l’Oise et 8 mois en Normandie. Entre les déménagements et la période Covid, j’ai dû mettre ma vie professionnelle entre parenthèses. J’ai recommencé à peindre et j’ai alors vu comme une évidence que je voulais dessiner, peindre, illustrer des livres pour enfants. Une amie de longue date, elle-même artiste peintre, m’a aidée à me voir et m’accepter comme une artiste, à comprendre que Dieu m’avait donné « un regard spécial sur le monde » et « un potentiel de création particulier ». Mon entourage proche m’a encouragée durant le confinement en voyant mes créations et j’ai commencé à entreprendre mes premières démarches : créer mon statut d’artiste-auteur, développer mon site et mon compte Instagram « Un colibri à Paris ». Les réactions ont été extrêmement positives. Pendant le confinement, je faisais des petits bouts de BD chaque jour que je diffusais sur Whatsapp et cela remportait beaucoup de succès. J’ai commencé à créer des cartes et à les mettre en dépôt-vente en librairie, à faire des calendriers et à les vendre.
Mais il m’a fallu encore du temps pour embrasser complètement ma mission de vie.
En 2022, au moment où tu as fait un pas décisif vers ta mission de vie, tu étais assistante administrative et commerciale en CDI à temps partiel pour un luthier. L’aquarelle n’était encore qu’un loisir-passion même si tu vendais déjà quelques créations. Qu’est-ce qui t’a poussée à bouger ?
Je commençais déjà à créer mais j’avais pris ce poste « alimentaire » pour voir du monde et parce que le domaine de la musique me correspondait bien. En réalité, je m’ennuyais horriblement, le poste m’encroutait littéralement. Je ressentais le besoin de missions plus stimulantes, de bouger. Je n’étais clairement pas dans mon rôle. En plus, l’ambiance était très négative, avec beaucoup de stress et de lacunes dans le management. Je ressentais un profond malaise intérieur et ne voyais pas de perspectives dans ce poste.
En parallèle, j’avais de beaux retours sur des projets de collaboration avec des librairies pour animer des ateliers et voyais des retours très positifs sur mon art. J’écoutais des podcasts qui m’inspiraient à bouger, à créer. Je voulais être alignée. Je voulais pouvoir créer plus.
Je voyais que je ne pouvais pas rester à ce poste, c’était évident. En même temps, c’était très dur de démissionner. Mon mari et moi avions en tête d’acquérir un appartement plus grand et c’était important d’avoir un CDI. Je savais ce que je perdais, pas ce que j’allais avoir. Mais je savais que j’avais les ressources pour rebondir et que je voulais explorer de nouveaux domaines. En fin de compte, mon mari et mes proches m’ont encouragée et soutenue dans ma décision de démissionner. Je n’ai jamais regretté. Il vaut mieux fuir à toutes jambes si l’on n’est pas bien que de se faire plus de mal en restant !
Et au final, nous avons quand même pu acheter un bel appartement malgré tout !
Comment s’est passée la période entre le moment où tu as décidé de quitter ton poste et maintenant? Que peux-tu conseiller à nos lectrices pendant cette période intermédiaire?
Il faut accepter de lâcher prise. Il faut se bouger, se pousser, oser franchir de nouveaux pas, aller à la rencontre des autres.
Après la fin du CDI, tout en développant ma créativité, j’ai commencé à faire de l’animation en centre de loisirs le mercredi. J’avais ainsi un moyen de bouger, d’être avec des jeunes, même si j’étais surqualifiée et que le poste était peu payé. Cela m’a en fait permis d’observer la directrice de ce centre, qui était fantastique tant sur le terrain qu’avec les équipes. J’ai beaucoup appris d’elle et cela me sert aujourd’hui avec La Petite Académie. Aussi, tous mes collègues m’ont vraiment soutenue dans mon élan artistique, y compris concrètement en me suggérant des contacts, des projets, ou en achetant mon nouveau calendrier lorsqu’il est sorti. Cela m’a montré qu’il ne faut vraiment pas se mettre de limites dans sa tête, ni par rapport à soi, ni par rapport aux autres.
J’ai aussi fait de la figuration d’époque pour un film au château de Versailles. J’ai donné des cours de soutien dans un lycée, à Trappes. Cela m’a permis de rencontrer à chaque fois des gens d’univers différents. Ce que j’encourage tout le monde à faire. Il faut oser sortir de sa zone de confort.
A cette époque, j’ai aussi suivi un coaching professionnel de quelques séances, pour essayer de retrouver un fil rouge dans mes expériences. C’est là que j’ai découvert les livres de Jean Monbourquette. A travers ma recherche, j’ai pu trouver du sens, mettre des mots sur ma vocation, découvrir mes points faibles, et choisir la voie dans laquelle j’étais alignée.
Pour aller plus loin et vraiment identifier ma mission de vie, j’ai passé quelques jours chez une amie psychomotricienne à Annecy pour découvrir son travail. Je m’intéressais à la psychomotricité mais aussi à l’art-thérapie. Au cours de mon séjour, je lui avais fait un dessin à l’aquarelle qu’elle avait mis dans son cabinet. Un jour, un jeune patient est venu, il a vu cette illustration, l’a prise, l’a regardée, l’a admirée. Il a demandé qui l’avait réalisée. Mon amie lui a dit que c’était moi et lui a proposé une séance d’aquarelle impromptue avec moi. Durant cet atelier improvisé, je me suis vraiment sentie à ma place, en phase. L’enthousiasme de ce jeune, sa concentration, son zèle, mais aussi ma propre joie en le faisant m’ont pleinement confortée dans la voie artistique.
Petit à petit, j’ai structuré mon projet. J’ai organisé des ateliers en bibliothèque et dans un atelier loué, puis chez moi, tout en continuant à créer. Quelques mois après avoir démissionné, j’ai participé à ma première exposition où j’ai gagné un prix pour ma création « La Rose ». J’ai commencé à tenir un stand à des marchés d’artisanat ou des marchés de Noël. J’avais à chaque fois de super retours. Cela m’a fait du bien, je me suis vue progresser.
J’ai ensuite découvert la Petite Académie de Versailles, car je cherchais à donner des cours plus réguliers. La directrice m’a confié des cours pour les enfants, puis de plus en plus de responsabilités. Et de fil en aiguille, comme elle voulait céder son activité, elle a pensé à moi…Comme le cite Monbourquette dans son livre, quand une fleur s’ouvre, elle attire les abeilles. Les opportunités arrivent d’elles-mêmes…
Quels sont tes plus gros défis actuellement alors que tu as tout juste repris la direction de La Petite Académie de Versailles avec une casquette de chef d’entreprise?
Effectivement, il y a énormément de nouvelles choses à organiser et à découvrir pour moi : l’administratif, la comptabilité, la fiscalité. Heureusement, j’ai trouvé une bonne comptable et petit à petit les choses se mettent en place.
Je me sens très appréciée par les équipes, les enfants, les parents. Maintenant, c’est moi qui suis sollicitée par des artistes qui veulent donner des cours. Je suis heureuse de pouvoir leur offrir des possibilités et être un jalon pour eux, comme d’autres ont joué ce rôle pour moi par le passé.
Mon défi actuel est de ne pas trop me laisser envahir par mes nouvelles responsabilités et de continuer à créer moi-même. Cela demande une certaine discipline. Je vois bien que j’ai besoin des deux : à la fois de transmettre et de produire. Je ne me vois pas seule toute la journée à créer dans mon atelier, mais j’en ai aussi parfois besoin. L’art, la créativité ont toujours besoin de s’exprimer d’une manière ou d’une autre !
Je me sens maintenant alignée, même s’il m’a fallu 10 ans au final pour trouver ma voie. Il y a des saisons de vie, des transitions difficiles avec des deuils à faire. Mais quand on est dans une nouvelle saison de vie, le fruit est là ! J’ai été très touchée par un témoignage sur LinkedIn en réponse à un post rédigé à l’occasion de la reprise de La Petite Académie. Voici ce qu’écrit le papa d’un petit garçon à qui j’avais remis exceptionnellement, lors d’un marché de Noël, l’original d’une aquarelle, ce que je ne fais généralement pas : « Artiste avec votre talent, et avec votre coeur…je me souviens de votre geste, se séparer d’une magnifique aquarelle originale car un « simple » enfant avait flashé dessus (…). Elle est posée sur sa table de nuit, il la voit tous les soirs au coucher ».
C’est très touchant… Pour finir, quels conseils pourrais-tu donner à quelqu’un qui hésite à sauter le pas pour aller plus près de sa mission de vie ?
Lorsqu’on est dans le brouillard et qu’on sent que quelque chose cloche, il faut se poser les bonnes questions. Poser les choses par écrit. Comme on dit, quand on n’apprécie pas les conséquences, il faut changer les causes ! En ce qui me concerne, mon réalignement vers ma personnalité artistique et la voie créative est né d’une insatisfaction intérieure.
Voici le type de questions que je me suis posées.
- Je ne sais pas ce que je veux faire, mais qu’est-ce au moins je ne veux pas faire ?
- A qui est-ce que je ne veux pas ressembler ?
- Dans quels contextes je me sens bien ? Dans quels contextes je ne me sens pas bien ?
- Dans quoi suis-je bonne ? Dans quoi ne suis-je pas bonne ?
- Quelles sont les situations dans lesquelles je me suis sentie à ma place, alignée ? Dans quelles autres je ne me suis pas sentie à ma place ?
- Quels sont mes moteurs ?
J’ai également travaillé sur les archétypes selon Monbourquette, qu’il définit comme « un type universel de personne ayant une vocation particulière ». Par exemple, « le sage », le « guérisseur », « l’artiste », « le disciple » etc.
J’ai compris aussi que j’avais une mauvaise vision de Dieu, avec la fausse croyance qu’il allait toujours me demander des choses qui aillent contre ma nature profonde. Mais quel père ferait cela? Il t’a créé(e) avec des talents, des dons. La mission qu’il te donne, c’est : « Sois qui tu es, là où tu es. C’est là où tu seras une bénédiction. »
Monbourquette nous encourage aussi à nous poser la question : A ma mort, quel souvenir je veux laisser ? Qu’est-ce que je veux que les gens retiennent de moi ? Il s’agit ensuite d’aller dans cette direction, de trouver son pourquoi et de le préserver au milieu de toutes les sollicitations. De savoir distinguer ce qui est urgent de ce qui est important. Comme disait Nietzche « Celui qui a un pourquoi peut affronter n’importe quel comment ! »
En résumé, trouver sa mission de vie, c’est retrouver au fond de soi ce que le Créateur a déposé. Il faut être à l’écoute. C’est une quête. Cela demande du temps. Mais quand on se sent aligné, c’est incroyable ce qui est possible !
Merci beaucoup Mélodie pour ce partage sur votre parcours et votre mission de vie. C’est très inspirant ! Écouter son cœur et se faire confiance malgré les peurs c’est le plus important mais ce n’est pas toujours facile. Vous y êtes arrivée, bravo !
Merci pour cet entretien très riche!
Merci Prislaine pour votre retour…